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@Franche, Émission #1 : « Comment les réactionnaires tuent la France »

  • hildegarde-france
  • 30 déc. 2020
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 janv. 2021


Ma première intervention sur Franche, début octobre 2020, avait pour objectif de revenir sur les trois facteurs qui, à mon sens, expliquent les défaites continues de la droite depuis 1789 :


- L’amalgame entre politique et évangélisation chez les catholiques

- La confusion entre fin et moyen de la monarchie chez les royalistes

- L’idéalisme et les incohérences de la droite extra-parlementaire de manière générale


Je reprends ci-dessous ces trois points abordés durant l’émission, en éclairant certains sujets que je n’ai pas pu davantage développer au micro.


1. L’amalgame entre politique et évangélisation


Il se constate sur deux points :


- La confusion des fins entre politique et évangélisation. La fin de la politique est le Bien Commun et celui de l’évangélisation est le salut personnel. Le premier objectif est terrestre, l’autre céleste. Ce principe ne signifie aucunement la séparation des ordres temporel et spirituel comme le préconise la laïcité, mais la distinction de ces deux ordres, ce qui évite de tomber dans une confusion que l’on peut trouver dans certains courants du judaïsme, de l’islam ou du paganisme antique et qui serait tout aussi dommageable que la laïcité la plus intransigeante. Cette confusion est d’autant plus handicapante pour nous que la majorité des Français n’est hélas plus catholique (si ce n’est « culturellement ») et que l’opinion publique est massivement attachée au principe de laïcité. D’où l’absurdité d’avoir comme objectif programmatique de réinstaurer une « Cité catholique », car cette finalité ne parlera pas à la majorité des Français… qu’il s’agit pourtant de rallier à notre cause ! Car la question est simple : voulons-nous spéculer sur la Chrétienté du XIIIe siècle entre gens biens ou prétendons-nous réellement à la reconquête du pouvoir et des institutions ? La réponse à cette interrogation s’impose d’elle-même : c’est l’instauration d’un sain ordre politique qui permettra la réévangélisation des masses. L’Histoire est de notre côté pour le montrer. C’est en utilisant les structures de l’Empire romain que les Apôtres ont converti l’Europe. À aucun moment saint Pierre et saint Paul n’ont voulu prendre Rome d’assaut pour instaurer un régime de droit divin. Cela s’est fait plus tardivement lorsque les élites, tout autant que les masses ont été évangélisées. Le même constat vaut également pour les Francs. Le premier Roi du pays qui deviendra la France à recevoir l’onction du sacre est Pépin le Bref au VIIIe siècle, c’est-à-dire à un moment où le christianisme est suffisamment bien enraciné en Europe occidentale pour prétendre structurer la vie en société et légitimer le pouvoir politique. Cela n’aurait eu aucun sens pour Clovis de se faire sacrer Roi à la fin du Ve siècle, à une époque où le paganisme était encore relativement prégnant dans les mentalités franques. Chaque chose en son temps. La Cité catholique adviendra lorsque le pouvoir politique tout autant que les masses y seront prêts et consentants. Et c’est ici que l’évangélisation revêt toute son importance. Car il ne s’agit pas de dénigrer l’importance de l’évangélisation, bien au contraire ! C’est en redonnant toute leur place aux prêtres et aux consacrés que notre Foi pourra de nouveau rayonner dans la société. Mais pour cela, encore faut-il avoir des institutions politiques qui soient de notre côté : d’où l’importance du combat pour le pouvoir temporel. Rappelons enfin que le surnaturalisme politique — qui consiste en subordonner la finalité naturelle (ou politique) de l’Homme à sa finalité surnaturelle (ou béatifique) — a été condamnée plusieurs fois par l’Église, et notamment par le pape saint Pie X qui qualifiait les tenants d’une telle vision de… modernistes. À bon entendeur.


- Plus limitée, mais néanmoins présente : la tendance, chez certains catholiques, à voter pour quelqu’un dès lors qu’il s’affiche comme chrétien… surtout si cela fait plaisir au portefeuille. Je vous renvoie ici à l’expérience désastreuse de François Fillon en 2017 qui se passe de commentaires.


S’ajoute à cela deux grands défauts chez certains catholiques concernant le rapport à la politique :


- Le mépris de certains catholiques (surtout de sa frange bourgeoise, hélas très structurante dans le catholicisme français) pour des sujets pourtant majeurs (politique économique et sociale, notamment), laissant le champ libre à la gauche alors qu’ils devraient, au contraire et à l’image du Bx Frédéric Ozanam et du catholicisme social du XIXe siècle, s’en emparer. Le résultat est que ces catholiques réduisent le combat en politique au combat purement sociétal — ce qui est essentiel, certes, mais insuffisant. Autrement dit, la « droite catholique » se confine à répondre aux « avancées » de la gauche et n’est donc plus une force motrice en politique. Or, on ne construit rien de durable et de pérenne avec une position purement réactionnaire qui, comme son nom l’indique, consiste en « réagir à ». Ce n’est pas à une mesure ad hoc à laquelle il convient de s’opposer (avortement, « mariage » pour tous), mais à tout un système (libéral-libertaire en l’occurrence) qu’il est impératif de repenser totalement si l’on veut éviter que la propagation de telles moeurs soient rendues possibles.


- Enfin, certains catholiques, un peu trop éthérés et visiblement peu formés en théologie morale et pratique, se désintéressent de la politique, oubliant que celle-ci est pourtant « la forme la plus haute de la Charité » (Pie XII) en ce qu’elle permet de viser le Bien Commun pour le plus grand nombre — le bien du tout étant supérieur au bien de la partie. Certains avancent même l’idée que l’action politique est inutile et que la prière seule suffit, mettant ainsi de côté un point fondamental de la théologie catholique qui est celui de la distinction entre l’ordre de la nature et celui de la grâce. Puisque la grâce surélève la nature sans la détruire et qu’Il nous a voulus libres, le bon Dieu ne fera jamais le travail à notre place. Si l’on veut changer les choses, l’action politique ou concrète est tout aussi nécessaire que la prière. Sainte Jeanne d’Arc est bien là pour le montrer.


2. Royauté : fin ou moyen ?


Certains mouvements royalistes, pour ne pas dire l’essentiel d’entre eux, se complaisent à concevoir la monarchie comme une fin en soi et non comme un moyen au service du Bien Commun. Cela est évident lorsqu’on entend des royalistes dire que la présence d’un Roi, quel qu’il soit, remettrait inévitablement la France sur les rails, ou même lorsqu’on les entend dire que la forme républicaine des institutions serait intrinsèquement et essentiellement mauvaise.


Quoique moi-même monarchiste (je préfère ce terme à celui de « royaliste », car avoir un empereur ou un « dictateur » au sens antique du terme, voire même un président à la tête de l’État ne me gênerait pas si certains principes sont respectés), j’avoue avoir toujours eu du mal avec ce que j’appelle le « déterminisme structurel » (position que l’on retrouve aussi chez les souverainistes vis-à-vis de l’UE). Ce mythe incapacitant qui consiste en dire que la structure détermine par avance et de manière fataliste toute politique (et ce, en élaguant le facteur humain, pourtant bien plus important que la structure dans les faits), mène ipso facto à l’attente d’un « grand soir » qui renversera les institutions tant décriées. Rien de plus paralysant pour toute action politique véritable que ce fantasme interdisant les « petits matins ».


En assimilant monarchie et Bien Commun, certains royalistes se trompent non seulement lourdement sur le plan doctrinal (puisqu’ils ne font pas la nécessaire distinction entre la fin de l’ordre politique qui est le Bien Commun et le régime qu'est la monarchie qui n’est qu’un moyen), mais ceux qui se revendiquent catholiques ne sont également pas très loin de frôler l’hérésie voire l’idolâtrie en assimilant la royauté — en particulier française — à un régime parfait, si ce n’est d’origine divine. Je me permets de rappeler une évidence ici : seule la sainte Église catholique, fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ, est éternelle et infaillible. Il s’agit de la seule institution (en partie) terrestre qui soit d’origine extra-humaine et voulue par Dieu. Ce n’est pas le cas de la monarchie française qui, quoique pourtant millénaire, s’est effondrée en trois ans — l’exemple de la Révolution française et de sa gestion calamiteuse par Louis XVI montre d’ailleurs bien que les structures, même aussi puissantes et enracinées que celles de la royauté française, ne sont pas magiques. Le pape Léon XIII l'a aussi rappelé : la Foi catholique n’est liée à aucune forme de régime particulier, ce qui invalide radicalement le discours de certains royalistes qui affirment sans sourciller que l’on ne peut être catholique sans être royaliste, comme si la Foi dépendait d’une structure politique et humaine — grave erreur s’il en est car niant la gratuité et le caractère surnaturel de la Foi, pur don de Dieu.


Bien évidemment, les structures politiques sont importantes, il ne s’agit pas de le nier. Un bon régime est d’ailleurs celui qui parvient à limiter les dégâts lorsque la personne ayant charge d’âmes n’est pas très compétente (c’est la raison pour laquelle je suis en faveur d’un régime exécutif fort quoique respectueux du principe de subsidiarité, que l’on a hélas oublié dans la France jacobine). Ce que je dénonce ici c’est l’exagération de son importance, comme si la volonté humaine n’existait pas et que le chef d’État n’était qu’un rouage dans un vaste système mécanique.


Ces royalistes-là m’objecteront que la République en France est d’origine maçonnique et que pour ainsi dire « le ver est dans le fruit ». Je leur répondrai que de même que la Foi catholique n’est liée à aucun régime particulier (dixit Léon XIII), de même il semble qu'il en soit ainsi pour l’idéologie maçonnique. S’il est indéniable que la République est advenue en France par l’impulsion des francs-maçons, les royalistes oublient un peu trop souvent que leur réseau de Loges est suffisamment puissant pour que les frères trois-points soient à la merci d’une structure politique particulière (cf. royautés britannique, belge, espagnole, etc.), et que si le catholicisme a rayonné en France et plus largement en Europe par les monarchies « traditionnelles », il s’est aussi pleinement épanoui sous d’autres régimes très différents les uns des autres (République de Venise, Espagne franquiste, Second Empire français, etc.). De plus, même si le rôle de la franc-maçonnerie a été majeur durant la Révolution française, la monarchie et la noblesse ne sont pas exempts de tout reproche. Si une monarchie aussi prestigieuse que la monarchie française a pu disparaître en l’espace de trois ans, c’est qu’elle n’était plus très bien portante (et ce, depuis plus longtemps qu’il n’y paraît) et que les fameux « relais traditionnels » de la monarchie dont parlait Maurice Barrès, notamment l’aristocratie, n’assumaient plus leur rôle de protection auprès des masses qu’elles ont lâchement abandonné au profit de la Cour décadente de Versailles et des Salons parisiens où les « Lumières » furent reçues en grande pompe par ceux-là même que leur idéologie allait placer sur l’échafaud…


Ainsi, ces royalistes finissent, qu’ils le veuillent ou non, par taper davantage sur la structure que sur les idéologies mortifères soutenues par certains groupes de pression (et pas seulement les francs-maçons), en croyant que se débarrasser de la République équivaudrait à se débarrasser des Loges (tout comme les souverainistes croient illusoirement qu’en se débarrassant de Bruxelles, on se débarrassera des lobbies sans-frontiéristes et pro-immigration ainsi que des banquiers de Goldman Sachs).


3. Idéalisme de la droite extra-parlementaire


« De défaites en défaites jusqu’à la victoire », « À jamais idéaliste » : ce genre de slogans empruntés que l’on peut retrouver au sein de certains mouvements nationalistes, catholiques ou royalistes mettent la puce à l’oreille sur le manque de pragmatisme caractéristique d’une certaine droite et de toutes les incohérences qui en découlent. Je ne citerai, pour terminer cet article, qu’un point qui m’apparaît fondamental : la division à laquelle mène inévitablement les discussions stériles sur le régime politique.


Les débats entre Français concernant le meilleur régime politique, s’il est légitime — il s’agit d’un sujet de discussion philosophique depuis que cette discipline existe —, s’avère nocif, lorsque, comme cela a été souvent le cas dans notre Histoire, il entraîne des dissensions graves, pouvant parfois déboucher sur la guerre civile, ou pire, à la division querelleuse face à l’étranger (comme ce fut le cas lors des guerres de la Révolution ou même durant la guerre franco-prussienne de 1870). C’est d’ailleurs pour cela que je condamne, au même titre et pour les mêmes raisons, cette manie qu’a la classe politique de parler de la République (inévitablement source de clivages, surtout par la connotation particulière qu’elle a acquise ces dernières années avec le débat autour des « valeurs républicaines ») au lieu de parler de la France (bien plus rassembleuse, car notre Patrie à tous, au-delà de nos divergences politiques, religieuses et sociales). Ainsi, croire que la question du retour du Roi est l'objet politique primordial en France au XXIe siècle, c’est ne rien avoir compris aux défis auxquels est confronté notre pays aujourd’hui — en particulier si cela débouche sur les ridicules guéguerres de chapelles entre légitimistes et orléanistes, auxquels se joignent parfois volontiers les bonapartistes, avant que les républicains ne débarquent. Pendant ce temps, les ennemis de la France se frottent les mains...


Scellons une Union Sacrée entre Gaulois, par Toutatis !

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